5:07 pm - 7 août, 2025

En marge du lancement officiel du tout premier Forum sur la gouvernance au Sahel (FGS), qui s’est tenu le mercredi 30 juillet 2025 à Banjul au Centre international des conférences Sir Dawda Kairaba Jawara, le président gambien Adama BARROW a accordé une audience au président de la Commission de la CEDEAO, S.E. Dr Omar Alieu TOURAY.

Interrogé par les confrères gambiens sur le passage à l’ECO, le président de la Commission a confirmé l’échéance de 2027, sans pour autant indiquer de calendrier.
Pour le président de la Commission, qui emboite la rhétorique souverainiste et le narratif de l’AES, l’ambition de la CEDEAO est un espace économique ouest-africain plus intégré, plus souverain et moins dépendant des monnaies extérieures. Reste désormais à voir si les pays de la CEDEAO parviendront à converger à temps, ou si l’Eco naîtra à géométrie variable. Quoi qu’il en soit, l’année 2027 s’inscrit désormais comme une date clé dans l’agenda régional. Déterminée à avancer, l’organisation sous-régionale ne conditionne plus le lancement de la monnaie au respect des critères de convergence par l’ensemble de ses États membres.
Pour lui, le passage du CFA à l’ECO est une question d’intégration monétaire régionale. Aussi, après des années d’atermoiements, la CEDEAO n’attendra plus que tous les pays remplissent les critères de convergence pour franchir le cap. Désormais, le mot d’ordre est la flexibilité stratégique : « L’idée est de lancer la monnaie unique avec ceux qui sont prêts… Ceux qui ont besoin de plus de temps seront soutenus », a assuré le président de la Commission.
Il s’agit de faire en sorte d’éviter de nouveaux blocages. Les États membres qui accusent du retard ne seront pas exclus pour autant. Ils bénéficieront d’un accompagnement pour atteindre, à terme, les conditions requises.
Le diplomate ouest-africain garde toutefois l’espoir que tous les États membres parviendront à respecter les exigences avant l’échéance de 2027, date désormais arrêtée pour la mise en circulation de l’Eco.
Rappelons que lors de leur 66ᵉ session ordinaire tenue à Abuja le 15 décembre 2024, les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont marqué un tournant décisif dans la mise en œuvre de l’ECO, la future monnaie unique de la région. Ils ont adopté un ensemble de critères rigoureux pour sélectionner les premiers États membres éligibles à adopter l’ECO. Ces critères, définis par un comité d’experts, visent à assurer la viabilité de la nouvelle monnaie et à garantir une transition harmonieuse. Pour accompagner la mise en place de l’ECO, les dirigeants ont également abordé la question de l’opérationnalisation des institutions financières régionales. Ces institutions joueront un rôle fondamental dans la gestion de la nouvelle monnaie et la supervision du système bancaire. Avec l’ECO, la CEDEAO vise à créer un marché commun plus intégré et plus dynamique, favorisant ainsi les échanges commerciaux, l’investissement et la croissance économique. Cette monnaie unique devrait également renforcer le poids politique et économique de la région sur la scène internationale.
Avec le passage du CFA à ECO en 2027, annoncé le 30 juillet par le président de la commission de la CEDEAO, quelles pourraient être les relations entre la CEDEAO et les pays membres de l’AES avec lesquels ils partagent le francs CFA ?
En effet, si le passage du franc CFA à l’ECO en 2027 marque une étape importante dans le projet d’intégration monétaire ouest-africaine, il convient toutefois de prendre en compte la complexité des relations entre la CEDEAO et les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) Mali, Burkina Faso et Niger, qui partagent actuellement le franc CFA au sein de l’UEMOA ; relations qui sont influencées par des dynamiques politiques, économiques et géopolitiques.
Nos trois pays de l’AES ont officialisé leur retrait de la CEDEAO le 29 janvier 2025, après des sanctions imposées par la CEDEAO, notamment après le putsch au Niger en juillet 2023. Cette rupture a eu des implications directes sur leur participation aux projets économiques régionaux, y compris la transition vers l’ECO. Cependant, ces pays restent membres de l’UEMOA, qui gère le franc CFA, ce qui maintient un lien économique important avec la CEDEAO.
A la date d’aujourd’hui, nos pays de l’AES n’ont pas officiellement annoncé leur intention de quitter l’UEMOA, malgré leur discours souverainiste et leur critique du franc CFA comme symbole de l’influence coloniale française. Rester dans l’UEMOA nous permet de bénéficier d’une stabilité monétaire (garantie par le Trésor français) et d’accéder à des mécanismes de financement comme les emprunts obligataires. Cependant, la transition vers l’ECO, qui vise à remplacer le franc CFA pour les pays de l’UEMOA tout en intégrant les pays non-CFA de la CEDEAO (zone ZMOA), pourrait compliquer notre position si nous refusons de suivre ce mouvement.
Malgré sa sortie de la CEDEAO, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) a assuré que les ressortissants de la CEDEAO pourraient entrer sans visa sur son territoire, et les échanges commerciaux au sein de l’UEMOA (incluant Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, etc.) devraient se poursuivre. Cela suggère une volonté de maintenir des relations économiques pragmatiques, même en cas de divergence monétaire. Cependant, des accords bilatéraux avec des pays comme le Togo, pour l’accès aux ports, pourraient devenir prioritaires pour contourner les contraintes imposées par la CEDEAO.
En termes de stabilité économique, il n’est pas inutile de noter que quitter l’UEMOA pour créer une nouvelle monnaie pourrait entraîner une instabilité économique, en raison des défis liés à la mise en place d’une politique monétaire indépendante et à la perte de la garantie de convertibilité du franc CFA. Les tensions politiques, alimentées par les accusations de l’AES contre la CEDEAO d’être sous influence étrangère, pourraient compliquer les négociations sur l’ECO et d’autres projets régionaux.
Si le projet abouti en 2027, voici ce qui pourrait arriver en termes de scénarios :
-Maintien dans l’UEMOA et adoption de l’ECO : Si les pays de l’AES restent dans l’UEMOA, ils pourraient être contraints d’adopter l’ECO en 2027, ce qui maintiendrait un lien économique fort avec la CEDEAO, malgré leur sortie politique. Cela nécessiterait des compromis politiques, notamment sur la gouvernance de la future Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest.
-Sortie de l’UEMOA et création du Sahel : Si l’AES concrétise sa propre monnaie, cela marquerait une rupture définitive avec la CEDEAO et l’UEMOA, avec des risques d’isolement économique et de déstabilisation, mais aussi une opportunité pour affirmer leur souveraineté.
-Coopération pragmatique sans intégration monétaire : Les pays de l’AES pourraient maintenir des relations économiques bilatérales avec les membres de la CEDEAO, en s’appuyant sur l’UEMOA pour la stabilité monétaire tout en développant leur propre cadre économique. Cela nécessiterait des négociations sur les échanges commerciaux et la libre circulation.
Mais attendons. ‘’Ni ma Cèdjan kun ŋé kanafô a nana’’.

El Hadj Sambi Touré

Source : Info Matin



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