Le 22 juillet 2025 dans un CICB à refuser du monde, le Président de la transition malienne recevait des mains du président de la Commission de la rédaction de la charte nationale pour la paix et la réconciliation et ancien pensionnaire de la primature en la personne d’Ousmane Issoufi Maiga. Après un an de profondes réflexions, de débats, de discussions et d’écoute, le projet de document imbriquant l’ensemble des préoccupations et propositions pouvant conduire à une paix définitive entre tous les fils du Mali est matérialisé. Quelle est la portée de ce document hautement symbolique ?
C’était dans un contexte hautement sensible lié aux escalades des conflits dans les régions du centre et du nord du Mali, que l’exécutif investi après les élections de 2013 a cru judicieux de renouer avec les négociations avec les groupes armés séparatistes qui clamaient leur autonomisation aux dépens de l’unité malienne. Au vu de toutes ces tentatives et pour éviter un effritement des espoirs de paix, le Mali a accepté un accord de paix et de réconciliation dans l’espoir de ramener l’ensemble des couches sociales dans le même bateau. D’un côté il y avait l’État malien et ses antagonistes (GAT et Mouvements séparatistes) et de l’autre la République populaire d’Algérie censée veiller à la bonne applicabilité des termes de cet accord.
Un Accord à sens unique
Pour définitivement entériner les conflits de tous genres au Mali, cet accord est signé le 15 mai 2015 en présence de toutes les parties pour symboliser toute l’importance et l’envie du gouvernement malien à asseoir la paix, la réconciliation et l’insertion sociale. Cet accord issu du processus d’Alger entre la partie malienne et le Mouvement de l’Azawad revêt plusieurs objectifs, dont la décentralisation du pouvoir avec la réalisation des projets de société, pour faciliter la fluidité financière, le désarmement des groupes armés et l’incarnation de tous les efforts de médiation et d’entente. Malheureusement, c’était sans compter sur un traitement de faveur, car, très vite, les intentions seront connues et les vrais gagnants de l’accord sont révélés à la grande surprise de l’État malien.
Ce qui aura encore frappé les experts, c’est le contenu dudit accord. En plus de la forme, cet accord chargeait financièrement l’État malien et le limitait dans sa souveraineté, selon plusieurs analystes.  Bref, un accord qui imposait des conditions des mouvements séparatistes au détriment du Mali dont les manœuvres extérieures étaient à peine voilées.
Cette passivité pouvait s’expliquer par le seul besoin d’instauration de la paix et du renforcement du tissu social. C’est pour dire que cet accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger aura été à sens unique avec pour objectifs de fragiliser davantage un pays qui avait déjà les genoux à terre, de l’humilier, d’ébranler sa souveraineté et de maintenir l’illusion autour d’un retour de la paix entre les fils de la même nation.
La déception algérienne
L’attente et l’espoir placés en la République algérienne par le Mali n’auront pas fait long feu quant à sa mise en œuvre des termes de l’accord, suscitant, à la fois, choc et incompréhension au sein de l’opinion publique malienne. L’Algérie n’était pas un choix par défaut au vu des destins étroitement liés pour une lutte efficace contre le terrorisme et le retour à la raison des séparatistes du nord. Avec de l’insouciance, une écoute semi-active, un suivi rompu du respect de l’accord, des pourparlers flous, nul doute que les engagements de part et d’autre commençaient à dissiper. L’Algérie pour avoir été au début et à la fin des discussions avait pour mission d’incarner ce qui tenait à cœur tout un peuple. Cette mission s’étendait même au-delà des frontières. Avec l’implication des Nations Unies, tous les regards étaient rivés sur l’expertise algérienne à faire aboutir cet accord de paix et de réconciliation. Miser sur l’Algérie n’avait rien d’humiliant pour un pays comme le Mali. Comme l’a si bien rappelé le défunt président Feu Ibrahim Boubacar Keita, l’expression « les Maliens ne sont pas des gueux » portait tout son sens. L’initiative d’impliquer d’autres acteurs dans le processus de réconciliation, vue par certains comme une soustraction aux compétences locales et par d’autres comme une nécessité pour soulager une population meurtrie, était la seule carte à jouer pour le gouvernement de l’époque. Le pari était risqué même si les précédents n’avaient rapporté ce qui était attendu.
La date fatidique
Ce, à quoi presque personne ne s’attendait, est arrivé en janvier 2024 à la grande surprise des mouvements signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation et de la Communauté internationale. C’est à cette date fatidique que le Mali a mis fin audit accord pour des raisons de souveraineté, de paix et de cohésion sociale. La pulvérisation de l’accord est liée également à de multiples insuffisances architecturales, des constats face auxquels une solution idoine, propre aux problèmes devait être portée. La succession d’événements malheureux du côté algérien a fini par donner raison à la décision du Mali de se retirer de la table. La posture algérienne vis-à -vis du Mali n’avait pourtant rien de surprenant au regard de la manière dont elle s’insurge dans le conflit du Sahara occidental. Avec le Mali, elle n’a rien changé de ce comportement désobligeant allant jusqu’à abattre un drone des Forces armées maliennes sur le territoire malien lors d’une opération de surveillance et de reconnaissance. Une grave violation des textes internationaux en vigueur et qui condamne vigoureusement de tels actes ignobles. L’Algérie n’est pas de nature à faire de cadeau à ses voisins les plus proches et va jusqu’à accorder un refuge à leurs pires ennemis et en guise d’illustration le leader du Front pour la Libération du Sahara occidental, Brahim Ghali, à qui elle avait porté assistance pourtant recherché par le Royaume chérifien, ce qui a provoqué une crise diplomatique entre le Maroc, l’Algérie et l’Espagne. Il ressort des analyses de plusieurs experts que le même traitement est infligé au Mali dans sa quête de traquer les leaders des groupes terroristes et séparatistes. Ainsi, toutes les conditions étaient réunies pour que l’accord pour la paix et la réconciliation signé à Bamako en mai 2015 soit mis sous terre à jamais.
L’espoir est permis…
Le destin du Mali demeure dorénavant entre les mains des Maliens sans aucune forme d’ingérence. Ce projet de la charte remis solennellement au Chef de l’État se veut, selon les propos d’Ousmane Issoufi Maiga, un document de référence incluant l’ensemble des valeurs pour la refondation du Mali. Il met en garde contre la délinquance financière, la mauvaise gouvernance, prône la conscience professionnelle, le respect des aînés, le travail, la vertu, le pardon, l’humilité, le patriotisme, souligne les défis politiques, économiques et sociaux, le tout pour rappeler aux fils du Mali de l’importance de recouvrer avec nos valeurs d’antan. Avec cette nouvelle charte et prenant en compte les insuffisances de certains bureaux et structures de l’accord d’Alger déchu dont le Comité de Suivi des Accords (CSA) et ses sous-comités, le Comité technique de Sécurité (CTS), l’Équipe mobile d’Observation (EMOV), le Mécanisme Opérationnel et Coordination (MOC) et le Bureau du Haut Représentant auprès du Président de la République ont tous été mis à l’arrêt pour défaut de missions accomplies et seront sans doute remplacés par d’autres, aptes à répondre aux exigences nationales. Avec cette charte qui sera promulguée par le Chef de l’État après approbation de l’organe législatif de la transition sera la boussole vers la paix et la réconciliation. A croire le Président de la transition « Do dôn la Mali be suma tôn ».
Amadou Wane
Source : Le PAYS
Lire l’article original ici.