Le mardi dernier, la Chambre d’accusation de la Cour d’appel de Bamako a renvoyé l’ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (Ccim), Youssouf Bathily et autres devant une juridiction criminelle. Autrement dit une Cour d’assises.
Youssouf Bathily, le président de la Ccim, son Secrétaire général Cheick Oumar Camara et Lamine Sacko le comptable, ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt le 23 novembre 2022 par le Pôle économique et financier, pour « atteinte aux biens publics, blanchiment de capitaux et favoritisme ». Soya Golfa Bathily, Sékou Dramera, Alpha Paul Guindo et Alou Bathily ont été écroués dans le même dossier.
La Chambre d’accusation de la Cour d’appel a accordé dans son arrêt du 15 juillet 2025, un non-lieu partiel à Soya Golfa Bathily, Sékou Dramera, Alpha Paul Guindo et Alou Bathily. Dans le même arrêt, Youssouf Bathily, Cheick Oumar Camara et Lamine Sacko sont maintenus dans les liens de l’accusation et renvoyés devant une juridiction criminelle en l’occurrence une Cour d’assises.
Avant d’en arriver-là, cette affaire qualifiée de Covidgate par les médias a connu différentes péripéties judiciaires. La dernière en date remonte au pourvoi en cassation du Procureur général de la Cour d’appel contre l’arrêt n°371 du 6 juin 2023 donnant droit à la demande de liberté de Youssouf Bathily contre le paiement d’une caution dont le montant est passé de 150 millions à 850 millions F CFA. L’arrêt a été cassé par la Cour suprême au motif que les investigations se poursuivent.
Ces arrestations font suite à un rapport du Bureau du Vérificateur général (BVG) faisant état d’irrégularités financières dans la procédure de commande des 21 millions de masques Covid-19, d’un montant de 10,9 milliards F CFA. Les agents du BVG qui avaient procédé à des contrôles auprès des structures bénéficiaires de masques ont constaté l’effectivité des livraisons. Ils ont même reconnu avoir trouvé des stocks chez certains. Dès lors le BVG a écarté toute idée de détournement, mais reproche le non-paiement des droits d’enregistrement des différents contrats. Là encore, le marché était exonéré de droits, impôts et taxes. Une exonération attestée par un arrêté du ministre de l’Economie et des finances, Dr. Boubou Cissé.
Flash-back
En 2020, en plein Covid-19, le Président de la République, feu Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) avait lancé un programme présidentiel dénommé (un Malien, un masque), dans le but d’agir urgemment contre cette maladie devenue une menace planétaire. L’initiative parmi tant d’autres visait aussi à créer les conditions de l’organisation et du déroulement normal des législatives de 2020.
C’est ainsi qu’est né le programme de confection de 10 050 0000 masques chirurgicaux et 9 050 000 autres masques lavables et réutilisables importés et locaux. Soit 21 millions de masques d’un coût de 10,9 milliards de F CFA. Pour rappel, lors d’une vidéoconférence avec ses pairs de la Cédéao sur les dispositions prises par les Etat pour la lutte contre le Covid-19 dans la sous-région, le Président IBK avait ébauché parmi les efforts déployés par l’Etat malien, le programme présidentiel « un Malien, un masque », piloté par le secteur privé.
Ce travail a été confié au secteur privé avec à sa tête la Ccim, sous l’égide du ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des Investissements. Au terme d’une convention de financement signée avec le ministère de l’Economie et des Finances, les commandes ont été lancées à l’extérieur. A l’arrivée des masques, le ministre du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des Investissements, Harouna Niang avait adressé le 30 octobre 2020 un courrier au Premier ministre, Dr. Boubou Cissé. L’objet était de lui faire l’état d’acquisition et de répartition des 21 millions de masques du programme présidentiel « un Malien, un masque ». Le Premier ministre avait personnellement assisté à la cérémonie de remise officielle de lots de masques de protection chirurgicaux et jetables commandés dans le cadre de ce programme présidentiel.
L’ensemble des masques a été réceptionné et livré au ministère du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des Investissements contre un bordereau. Un tableau de distribution des différents masques a été subséquemment établi par le Secrétaire général du ministère du Commerce indiquant la répartition correcte des 21 millions de masques sur toute l’étendue du territoire. Il s’agit notamment des différents ministères, institutions, régions, cercles, services centraux, organisations de jeunesse, etc.
Abdrahamane Dicko
Source: Mali Tribune
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