Dissolution des partis politiques : Entre fermeté étatique et assurances démocratiques
« Je ne sais pas si ça fait l’effet d’un séisme. Personnellement, on n’a pas senti » : en une phrase sobre, presque clinique, le Premier ministre malien, le Général Abdoulaye Maïga, a balayé d’un revers de main les critiques formulées au lendemain de la dissolution des partis politiques au Mali. Invité de l’émission Mali Kura Tassira ce samedi 2 août 2025, le chef du gouvernement a pris la parole pour éclairer l’opinion publique sur une décision politique majeure qui continue de secouer la classe politique malienne. Mais derrière cette phrase choc, que faut-il vraiment comprendre ? Où va le Mali politique ?
Une transition assumée, un régime tranchant
Bamada.net-Depuis le coup d’État d’août 2020 et la transition dirigée par le Général Assimi Goïta, le pays est engagé dans une vaste reconfiguration institutionnelle. La dissolution des partis politiques, officialisée en avril 2024, a marqué un tournant décisif. Beaucoup y ont vu un glissement autoritaire, voire un recul démocratique. D’autres, au contraire, ont salué une volonté de « refondation » salutaire face à un système jugé gangrené, inefficace et décrédibilisé.
Le Général Abdoulaye Maïga, par ailleurs ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, n’a pas esquivé le sujet. Sans détour, il a réaffirmé la posture du gouvernement : « Il n’y a aucune volonté du gouvernement et du Gal d’Armée Assimi GOÏTA de porter un coup au multipartisme. » La Constitution actuelle, selon lui, consacre le pluralisme, et celui-ci sera respecté. Mieux encore, il annonce l’élaboration prochaine d’une nouvelle charte des partis politiques, fondée sur les recommandations issues des assises nationales.
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En clair, ce que le pouvoir malien veut déconstruire, ce n’est pas le pluralisme en soi, mais la forme ancienne des partis, jugée incapable de répondre aux défis actuels.
Une classe politique sous respirateur artificiel ?
Au-delà des discours, la réalité est plus nuancée. Le paysage politique malien, historiquement dominé par une myriade de partis, parfois sans ancrage réel dans la société, a longtemps été critiqué pour son opportunisme, son clientélisme et sa déconnexion des réalités populaires. Si les autorités de la transition affirment vouloir assainir le jeu politique, on ne peut ignorer qu’une telle décision porte un coup fatal aux contre-pouvoirs traditionnels.
La dissolution des partis a été perçue par certains comme une mise à l’écart de la critique légitime, un verrouillage du débat démocratique, surtout à l’approche d’échéances électorales longtemps attendues, mais sans cesse repoussées. Que restera-t-il du pluralisme si l’espace politique est reconfiguré par décret, sans garanties solides de transparence et d’inclusivité ?
Sécurité nationale : entre menace résiduelle et progrès tangibles
Sur le front sécuritaire, le discours du Premier ministre se veut tout aussi rassurant. Revenant sur la décennie de crise, il rappelle une réalité souvent occultée : « À partir de 2012, nous avions perdu plus de 70 % de notre territoire. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. » Une façon de marquer les avancées obtenues par les Forces Armées Maliennes (FAMa), désormais soutenues par de nouveaux partenaires stratégiques.
Mais l’adversaire n’a pas disparu pour autant. « L’ennemi change de mode opératoire », prévient Abdoulaye Maïga, évoquant des attaques ciblant les civils ou les structures économiques. Une stratégie d’usure, asymétrique, qui rappelle à quel point la pacification du pays reste fragile. Toutefois, le Premier ministre insiste : l’amélioration de la sécurité reste « la priorité numéro un du gouvernement ».
Une transition à la croisée des chemins
La transition malienne s’inscrit dans une logique de rupture. Rupture avec un passé jugé corrompu, inefficace, clientéliste. Rupture aussi avec des partenaires internationaux devenus, aux yeux des autorités, encombrants ou inadaptés. Dans ce processus, la dissolution des partis politiques apparaît comme une étape radicale, mais aussi potentiellement dangereuse si elle n’est pas accompagnée de garanties solides pour un retour à l’ordre constitutionnel pluraliste.
Ce que l’on joue ici, ce n’est pas uniquement la réforme d’un système politique. C’est la crédibilité même du projet de « refondation ». Un projet qui doit éviter l’écueil de la concentration du pouvoir, et ouvrir, à terme, un véritable espace de participation citoyenne.
Si le Premier ministre dit « ne pas avoir senti de séisme », le peuple, lui, attend encore les répliques.
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MLS
Source: Bamada.net
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