Officiellement remise au Président de la Transition le 22 juillet 2025 à Bamako, la Charte nationale pour la paix et la réconciliation incarne l’espoir d’un Mali souverain, uni et apaisé. Fruit d’un an et demi de consultations nationales et de contributions de la diaspora, elle entend restaurer la cohésion sociale et la confiance entre l’État et les citoyens. Mais, derrière la solennité, la question de son adoption et de sa mise en œuvre reste posée.
Le mardi 22 juillet 2025, au Centre international de conférences de Bamako (CICB), le Président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta, a reçu des mains d’Ousmane Issoufi Maïga, Président de la Commission de rédaction, le projet de Charte nationale pour la paix et la réconciliation. Ce document structurant comprend 16 titres et 106 articles.
La cérémonie, en présence des corps constitués, des forces vives, de la diaspora et du public, a mêlé solennité et symboles, puisqu’elle a été marquée par des ballets aux couleurs de la paix, des chants patriotiques et des hommages aux efforts collectifs. Les journées de restitution des 20, 21 et 22 juillet ont permis d’amender et de valider le texte avant sa remise. À cette occasion, le CICB a même été symboliquement rebaptisé « Centre international de la paix ».
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Des valeurs fortes
Dans son contenu, la Charte fixe des objectifs ambitieux, tels que la restauration de la paix, la justice, la cohésion sociale, la souveraineté et la lutte contre la corruption et l’impunité. Elle insiste sur la jeunesse comme moteur de l’avenir, sur le rôle des médias dans la guerre informationnelle et sur la nécessité d’utiliser les mécanismes endogènes de règlement des conflits en plus des institutions modernes.
Le préambule célèbre « la fierté d’être les héritiers d’une histoire millénaire » et le texte appelle à une gestion transparente des ressources et à la réhabilitation de la confiance entre l’administration et la population.
Pour Ousmane Issoufi Maïga, la Charte est « le témoignage d’une promesse populaire », et selon le Président Assimi Goïta, elle exprime « le rêve collectif d’un Mali réconcilié », tout en marquant « la souveraineté retrouvée du pays ».
Critiques et des défis
Si la Charte cristallise des espoirs, elle suscite également des réserves. D’abord sur la méthode. Malgré les consultations régionales et avec la diaspora, certains acteurs politiques et de la société civile jugent le processus trop contrôlé et fermé aux critiques. Certains ont souligné le manque de débat public élargi et l’absence d’implication de certains partis, dissous en juin 2025.
Ensuite, la légitimité populaire est interrogée. Certes, l’adoption doit passer par le Conseil national de Transition (CNT), avant une promulgation présidentielle, mais plusieurs voix réclament un référendum pour valider le texte. Aucun calendrier officiel n’a été communiqué sur cette possibilité.
La Charte est aussi floue sur ses mécanismes de mise en œuvre. Elle proclame des principes, mais sans calendrier ni mesures précises pour les réaliser. Certains juristes estiment également qu’elle fait double emploi avec la Constitution ou l’Accord d’Alger, aujourd’hui caduc.
La remise de la Charte intervient dans un climat tendu. La dissolution des partis politiques en juin 2025 a renforcé le contrôle central de la Transition, mais aussi nourri des contestations. Dans le nord, la reprise des hostilités par le Front de libération de l’Azawad (FLA) et l’intensification des combats contre les groupes armés compliquent la perspective de réconciliation.
Le choix d’une approche exclusivement militaire contre les groupes qualifiés de terroristes, alors que des voix locales plaidaient pour des discussions avec certains chefs maliens, semble en contradiction avec l’esprit de la Charte, qui appelle à des solutions endogènes et inclusives.
Une étape cruciale mais inachevée
Le texte constitue néanmoins un jalon historique. Il synthétise les aspirations des Maliens à la paix et à la justice, mais la confiance et l’adhésion populaire restent à conquérir. Les autorités ont annoncé une campagne nationale de vulgarisation et la traduction du texte en langues nationales pour faciliter son appropriation.
Il faut désormais un plan d’action concret pour que la Charte dépasse le symbole et devienne la base d’une véritable politique de réconciliation et de développement. Comme l’a dit le Président Goïta, « les épreuves traversées doivent constituer le ciment de notre unité ». Encore faut-il traduire cet espoir en actes.
Massiré Diop
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