Pour apporter leur pierre à la rationalisation des dépenses publiques, à la réduction du train de vie de l’Etat, à la moralisation de la vie politique, mais surtout pour marquer leur solidarité avec les Maliens durement éprouvés par les effets combinés de la crise sécuritaire, de l’inflation et de la précarité, les honorables membres du Conseil National de Transition (CNT), à l’occasion de l’adoption le jeudi 12 juin 2025 de la loi organique fixant leurs indemnités et autres avantages à eux alloués ont accepté volontairement de renoncer à leur indemnité de monture.
Comment concilier ce renoncement volontaire à leur indemnité de monture avec l’article 10 de la loi organique N°2025-037 du 31 juillet 2025 fixant les indemnités et autres avantages alloués aux membres du Conseil national de transition qui dit : « Les indemnités et autres avantages perçus par les membres depuis la mise en place du Conseil national de Transition leur demeurent acquis » ?
La question soulève une apparente contradiction, un oxymore dissonant. Mais replaçons les choses dans leur contexte. Le 12 juin 2025, le CNT a voté à l’unanimité une révision de la loi organique régissant les indemnités et avantages de ses membres, supprimant notamment l’indemnité de monture (400 000 FCFA pour les membres ordinaires, 550 000 FCFA pour les membres du bureau). Cette mesure a été présentée comme un geste de rationalisation des dépenses publiques et de bonne gouvernance, dans un contexte de rigueur budgétaire. Promulguée le 31 juillet 2025 par le président de la Transition, le Général Assimi GOITA, cette loi actualise le cadre des indemnités et avantages des membres du CNT. L’article 10 indique que les indemnités et avantages perçus depuis la mise en place du CNT (décembre 2020) « leur demeurent acquis », ce qui semble garantir la préservation des bénéfices antérieurement reçus.
La contradiction n’est qu’apparente dans une analyse rigoureuse. En effet, l’article 10 pourrait être interprété comme une clause de sauvegarde visant à protéger les membres du CNT contre une rétroactivité défavorable, c’est-à-dire à garantir que les indemnités déjà perçues avant la révision de la loi (y compris l’indemnité de monture) ne soient pas récupérées ou annulées. Cela ne signifie nullement que ces indemnités de monture doivent continuer à être versées à l’avenir. En d’autres termes, l’article 10 sécurise les paiements passés, mais n’empêche pas une révision prospective des avantages, comme la suppression de l’indemnité de monture à partir de la date de la nouvelle loi.
La suppression de l’indemnité de monture, votée à l’unanimité le 12 juin 2025, s’appliquera donc aux futurs versements et non aux sommes déjà perçues. Cette décision reflète une volonté collective des membres du CNT de réduire leurs avantages pour répondre aux attentes de la population et aux contraintes budgétaires. Ce renoncement est compatible avec l’article 10, car il ne remet pas en question les indemnités déjà versées, mais modifie les conditions des avantages futurs. Donc, il n’y a eu aucune machination législative pour flouer les Maliens.
Mieux, la loi organique n°2025-037 a été déclarée conforme à la Constitution par la Cour constitutionnelle le 30 juin 2025 (arrêt n°2025-04/CC). Cela inclut l’article 10, qui a été validé sans réserve spécifique mentionnée dans les sources disponibles. Il vous souviendra que la version antérieure de la loi (n°2023-058) avait été jugée partiellement non conforme en avril 2024, notamment parce que les montants des indemnités, y compris celle de monture, n’étaient pas précisés. La loi de 2025 a corrigé ces lacunes, rendant le cadre plus clair et conforme.
En définitive, il n’y a pas de contradiction réelle entre le renoncement à l’indemnité de monture et l’article 10 de la loi organique n°2025-037. L’article 10 garantit que les indemnités déjà perçues par les membres du CNT depuis sa création restent acquises, tandis que la suppression de l’indemnité de monture s’applique aux versements futurs, dans une logique de rationalisation des dépenses.
El Hadj Sambi TOURé
Source : Info Matin
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